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Plus on remonte le temps, plus les registres sont laconiques et plus les recherches généalogiques deviennent longues et difficiles. Et si nous réfléchissions un peu, avant de nous lancer dans une quête effrénée, pour optimiser notre temps et obtenir de meilleurs résultats ?
Imaginons un acte de
mariage du début du XVIIIe siècle qui indique les noms
des parents des mariés mais aucun lieu d’origine. Nous remontons
le temps dans les registres pour trouver la naissance des époux et
nous ne trouvons que celle de la femme, aucune trace de la famille de
l’homme. Comme c’est souvent le cas, le mariage était célébré
dans la paroisse de l’épouse et l’homme venait d’ailleurs.
Mais d’où ?
Le contexte géographique
Si nous utilisions les
moyens modernes et strictement mathématiques, nous pourrions prendre
une carte, poser la pointe du compas sur la paroisse de mariage et
tracer des cercles concentriques pour déterminer les autres lieux où
chercher l’origine du marié… Erreur ! En effet, cette
méthode consiste purement et simplement à ignorer la géographie et
les moyens de communication de l’époque. Pourquoi effectuer des
recherches dans une paroisse proche de celle du mariage mais séparées
entre-elles par un fleuve sur lequel ne passe aucun pont ?
Pourquoi explorer les registres d’un lieu distant de quelques
kilomètres à peine mais séparé de celui d’origine par un col
infranchissable ? Pourquoi porter ses investigations dans une
autre paroisse située au-delà d’une forêt inextricable ?
Une bien meilleure
solution consiste à utiliser les cartes et plans de l’époque à
laquelle nous effectuons nos recherches. Les cartes de Cassini, par
exemple, constituent un excellent outil pour analyser le contexte
géographique dans lequel évoluaient nos ancêtres. Nous pouvons y
visualiser les fleuves, les rivières, les lacs, les ponts, les bois,
les forêts, les montagnes… autant d’obstacles naturels aux
déplacements de nos ancêtres. Nous y repérons aussi les routes et
voies de communication qui, à l’inverse, facilitaient les
mouvements de population. Ajoutons aux cartes les almanachs qui
recensaient les foires et marchés de la région et nous disposerons
alors de tout l’équipement nécessaire pour faire de meilleures
recherches, plus intelligentes, afin de localiser la paroisse
d’origine de l’époux que nous recherchons.
By Cassini (Carte de Cassini en ligne sur le site de l'EHESS) [Public domain], via Wikimedia Commons |
Le contexte professionnel
Nul ne peut l’ignorer,
nos aïeux choisissaient leur conjoint dans un environnement social
proche du leur (on parlerait aujourd’hui de mariage au sein de la
même « catégorie socio-professionnelle »). Dans la
plupart des cas, l’époux exerce une profession proche, voire
identique, à celle du père de l’épouse. Si cette profession est
spécifique, elle devient un indice important pour retrouver
l’origine du marié que nous cherchons. Il existe en effet de
nombreux métiers qui demandent des conditions d’exercice
spécifique : les verriers et les travailleurs de la
micro-sidérurgie (comme les cloutiers) avaient besoin d’une
rivière à proximité de leur industrie ; les sabotiers et les
charbonniers vivaient en forêt où ils se fournissaient en bois ;
les bateliers s’installaient près d’une voie d’eau navigable…
Inutile donc de chercher, par exemple, un charbonnier dans une
paroisse qui ne possède aucun bois sur son territoire ! En
combinant le contexte professionnel au contexte géographique, nous
multiplions nos chances d’effectuer une recherche qui porte ses
fruits rapidement.
La méthode est également
valable pour les populations de migrants. Dans la France d’ancien
régime, on ne bouge pas au hasard sur une longue distance. Un scieur
de long ou un maçon ne part jamais de chez lui sans connaître à
l’avance son lieu de destination : il est attendu chez un
proche, un parent, souvent un oncle ou un frère qui a fait le voyage
avant lui. Il nous faut alors porter l’attention de nos recherches
sur les autres hommes du village qui exercent la même profession
pour espérer trouver avec eux l’indice qui ne figure pas dans le
mariage qui nous sert de base. Nous multiplions dès lors les indices
pour répondre à notre question sur l’origine de l’époux.
Le contexte familial
Au-delà des réflexes à
acquérir sur la géographie et la profession de nos ancêtres pour
remonter les générations, il faut étendre la recherche à
l’ensemble de la parentèle pour augmenter les chances de
résultats.
À partir du mariage qui
est notre base de travail, commençons à observer et analyser les
naissances des enfants du couple. Il ne faut pas, bien sûr, se
limiter au seul ancêtre qui nous relie à eux, mais étudier les
baptêmes de tous les enfants du couple. Qui sont les parrain et
marraine de chacun ? Quel est leur lien de parenté avec
l’enfant ? Quelle est leur profession ? Quel est leur
domicile ? Dans la réponse à ces questions se cache sans doute
la piste pour remonter une génération supplémentaire. Selon la
tradition, le premier garçon baptisé a pour parrain son grand-père
maternel (s’il est toujours vivant) et la première fille sa
grand-mère maternelle. Suivent les oncles, tantes, puis les frères
et sœurs aînés. Mais il arrive également que le parrain ou la
marraine soient choisis hors de la famille. Quel est donc la raison
de ce choix ? Un même métier ? Une même origine ?
Voilà des indices essentiels…
La méthode est d’autant
plus valable pour les actes de mariage non filiatifs. C’est en
étudiant les enfants du couple et leurs parrains et marraines que
nous pouvons débloquer une branche apparemment coupée. Ne nous
privons pas alors de faire la généalogie de ces « parents
spirituels » car ils peuvent s’avérer rapidement les
« parents naturels » qui nous aideront à franchir un
cap… L’étude de la parentèle élargie n’est jamais vaine.
En conclusion, se
replonger dans le contexte de vie de nos ancêtres, comprendre leur
modes de fonctionnement, étudier de qui ils sont proches et
pourquoi, élargir notre vision et ne pas réfléchir avec nos
réflexes contemporains : voilà le secret pour chercher moins
et trouver plus !
Ecrit par Pierre-Valéry
Archassal
4 commentaires :
Alors maintenant, si la "Papesse" de la blogosphère fait appel à la plume du grand "pape" de la paléographie, cela va donner du lourd.
Plaisanterie mise à part, l'étude de mes papetiers en Bretagne m'a amené à regarder avec plus d'attention les cours d'eau des Côtes d'Armor et du Finistère.
Excellent réflexe JM ! Si tu allies cela à tes performances en paléo... ;-)
Un article et des astuces pleins de bon sens mais toujours utile à rappeler ! Cela ne fait que quelques mois que je me suis remis aux cartes de Cassini, après avoir longtemps développé ma paresse sur Google Maps et ses cartes pratiques mais trop actuelles :)
Pour moi qui débute, ce billet contient des pistes de réflexion fort intéressantes, merci beaucoup pour ce partage d'expérience !
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